Ce matin, j’ai entendu pour la première fois depuis longtemps, un vol de perroquets. En fait c’est des petites perruches vertes qui migrent je ne sais où pendant la bonne saison plus au nord ou plus au sud et reviennent lorsque la saison sèche approche. Elles savent que la saison des fruits va démarrer de plus belle.
Je viens en vacances au Panama depuis plusieurs années en cette saison et je ne les avais pas vus depuis si longtemps que je pensais qu’ils ne revenaient plus. Le changement climatique, la pollution, la destruction de l’habitat – les paresseux en savent quelque chose – me faisaient penser qu’ils ne revenaient plus. Mais c’est moi qui n’était pas là au bon moment. Le revoilà, ici, si près de la grande ville, ce vol de perroquets qui annonce – encore et toujours – la fin de la période scolaire et l’approche des grandes vacances pour tous les écoliers d’ici. Autrefois, du temps de ma vie au Panama, l’arrivée de ces oiseaux migrateurs, par milliers, me remplissait de joie.
La chaleur est intense et l’humidité accablante mais je commence à sentir cette brise qui vient du nord et qui semble essuyer l’atmosphère. J’ai entendu ce vol d’oiseaux qui me mettaient en joie lorsque j’étais enfant. Depuis ce matin je les entend discuter dans les arbres. Ils ont toujours quelque chose à se dire. Leur bavardage dit que l’humidité s’en ira petit à petit que l’air du Groënland descendra vers nous. Rêvons un peu.
Durant deux jours il n’a pas plu. Aujourd’hui, le temps est à l’orage. C’est normal, nous sommes à peine en novembre et la saison sèche ne doit commencer qu’en janvier. Fin décembre au plus tôt. Pas besoin qu’elle s’avance de trop ni qu’elle se prolonge au delà du raisonnable. Il fait chaud. Surtout dans la cuisine de ma mère malgré les ventilos. J’ai l’impression d’être dans un sauna. Une piscine ! Mon royaume pour une piscine ! Mais je n’ai pas de royaume, sauf dans ma tête. Il ne pleuvra pas. Le défilé du 10 novembre aura lieu sans encombre.
La plage n’est pas loin. C’est le Pacifique, au bord de la Baie de Panama. La maison familiale se trouve à 100 mètres du bord de mer mais la végétation, les constructions autour ne permettent pas de l’apercevoir comme autrefois. Les clôtures et les murs de séparation entre les parcelles se sont multipliés depuis que ce n’est plus un petit village mais une sorte de banlieue de la ville. Les constructions aussi car les enfants et même les petits enfants ont construit leur maison sur la parcelle que les aïeux ont obtenue il y a quelques décennies.
Novembre, «mes de la patria». Mois de la Patrie. Nous sommes l’un des plus petits pays de la région mais nous avons un mois de fête nationale. Les enfants ont du mal de suivre et bien des adultes aussi. Nous célébrons la fête nationale du 3 au 28 novembre avec quelques jours travaillés durant le mois
Dans l’ordre chronologique il faut commencer par la date d’aujourd’hui 10 novembre car c’est le jour du premier cri d’indépendance au Panama en 1821. Selon la légende, dans une province reculée, une dame, prénommée Rufina, aurait lancé le mouvement d’indépendance par cette première manifestation de désir d’émancipation de l’Espagne. Le mouvement aboutit à la déclaration d’indépendance le 28 novembre 1821. Sans guerre, sans violence, profitant de la faiblesse de l’autorité et des armées du royaume, trop occupées à guerroyer ailleurs que sur l’Isthme, zone toujours assez pacifique.
C’était le point culminant d’une crise politique en Espagne, déclenchée par l’invasion française conduite par Napoléon 1er, entre 1808 et 1814. Cette crise morale, politique et militaire a des conséquences directes sur la mainmise que l’Espagne avait sur tout son Empire en Amérique et l’autorité royale s’affaiblit ce qui favorise le déclenchement des insurrections menées par les criollos, descendants d’espagnols en Amérique, propriétaires de la terre et du commerce. Dès 1808, les colonies de l’Empire commencent à exprimer leur désir d’autonomie par rapport au pouvoir royal espagnol. Les conflits armés insurrectionnels se développent tout au long du continent hispano-américain jusqu’à la décennie de 1820 où la plupart des pays prennent leur autonomie. Le pouvoir espagnol pouvait difficilement mener une guerre d’indépendance sur son propre territoire contre les armées napoléoniennes et, en même temps, conserver la mainmise sur les territoires d’outre-mer. Parmi les derniers à déclarer leur indépendance se trouvent les pays d’Amérique Centrale dont le Panama en 1821. Cuba et Puerto Rico resteront dans le sillage espagnol jusqu’à la fin du siècle.
Les panaméens, qui n’avaient pas connu comme d’autres les guerres sur leur territoire et ne se sentaient pas assez forts ni armés pour se défendre contre un possible retour des troupes espagnoles et ont profité de l’union promue par le Libertador Simon Bolivar, militairement forte, pour s’allier volontairement à la Grande Colombie, conformée déjà par les territoires libérés dans le sud par Bolivar. Les mésententes politiques surgissent rapidement et peu à peu, les autres territoires, correspondant à ceux du Vénézuela et de l’Equateur actuels, se séparent. Le Panama, qui comptait sur la force militaire de
ses alliés du sud a compris que la force des armées colombiennes n’avait pas que des avantages. Il était, de fait, un département colombien, le Département de l’Isthme. Département avec lequel, la capitale, Bogota, avait, les plus grandes difficultés de communication si bien que le bonheur de développement qu’espéraient les panaméens se réduisait à un oubli permanent de la part du gouvernement central. La Colombie ne comptait pas, cependant, perdre ce territoire si facilement.
Après plusieurs péripéties, l’intérêt porté par de grandes puissances comme les Etats-Unis et la France, encourage les panaméens, aidés par les Etats-Unis à se séparer de la Colombie. C’était en 1903, le 3 novembre. Cette date est célébrée avec beaucoup de ferveur dans les moindres recoins de la République car elle marque le début d’une vie républicaine et indépendante. Cela, malgré la prise en main d’une partie du territoire par un état étranger… mais c’est encore une autre histoire.
Dans la nuit du 3 au 4 novembre, les dames patriotes ont fini de coudre, à la hâte, le drapeau. Ainsi, le 4 novembre est le jour des symboles de la patrie : le drapeau, l’hymne, les armes. C’est aussi célébré avec des défilés et des fanfares. Le 5 c’est la province de Colon au Nord qui a vu le départ des troupes colombiennes avec soulagement… Trois jours de célébrations…
Ainsi, les amis, si vous venez nous rendre visite en novembre, ne vous étonnez pas. Comme, officiellement, nous n’avons pas d’armée, nous multiplions les défilés militaires-dansants durant ces fêtes de la Patrie qui se déroulent tout au long du mois de novembre. Les panaméens ne ratent pas l’occasion pour faire la fête avec les amis et la famille. Et si vous êtes du genre grincheux comme moi – est-ce l’âge? – ne venez pas en novembre. Si vous êtes curieux et désireux de dépaysement, de fête, de bruit, – beaucoup de bruit – de musiques diverses, n’hésitez pas à venir partager la ferveur et la joie de ces fêtes de novembre.
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