Sigolène

IMG_5238J’ai bien fait d’aller aux «Mots Doubs». J’ai eu la chance de la rencontrer. Sans cette mission qui m’est échue, je n’aurais pas eu cette chance. Je serais même passée à côté sans la voir, sans savoir que c’était elle. Je ne suis pas du genre fan. Je n’ai jamais été abonnée, même à l’adolescence boutonneuse, à un chanteur, un écrivain, une personnalité publique. En général, je reste au loin – probablement par timidité – bien consciente de la difficulté d’écrire et de la fragilité de l’art.

Mais cette fois, c’était particulier. L’année avait mal commencé pour des gens dont j’aimais lire les écrits et dont les créations, parfois féroces et dérangeantes, parfois tendres et poétiques m’ont souvent secoué, fait réfléchir. Il me fallait profiter de la présence de Sigolène. Elle les représentait tous et ne représentant qu’elle-même.

Une jeune femme fragile, de cette génération d’enfants qui ont eu des parents généreux et pour qui la richesse est ailleurs que dans l’argent. Une de ces jeunes femmes qui ne sont pas là pour la parade, portée par une richesse intérieure, une sensibilité, la poésie et l’art. En parcourant le programme du salon, j’ai vu son nom. Est-elle là ? – ai-je demandé -.

À part ses petites chroniques judiciaires lues en passant dans le Charlie, je ne connaissais rien d’elle. C’est fait pour ça, les salons. J’y découvre régulièrement des auteurs qui m’attrapent aux tripes, soulèvent des émotions, qui m’attendrissent…

Sigolène était là, à sa place. Elle venait de signer un livre à quelqu’un et s’est retournée pour parler à une dame qui se trouvait derrière elle. Son agent ? Une librairie ? Une garde du corps ? C’était dans le stand de cette nouvelle libraire que nous attendons avec impatience depuis des mois et dont les travaux dans les locaux restaurés n’en finissent pas. Finiront-ils un jour ? A mon dernier passage, la palissade autour commençait à tomber. Je la trouverai, sûrement, en rentrant. Une nouvelle librairie au Centre-Ville à la place du cinéma Plazza, fermé depuis des années.

Je parlais de Sigolène. Elle ne m’avait pas vue.  Lorsqu’elle s’est enfin retournée, son émotion était forte. Elle n’a pas pu, devant moi, une inconnue qui attendait un peu de son attention, retenir un flot de larmes. Comme un enfant perdu. La distance s’est rompu. Nous étions deux femmes, solidaires et l’admiration pour l’écrivaine-journaliste-juriste, est devenue de l’amitié, de la tendresse pour cette jeune femme qui se bat contre les démons. J’ai eu le privilège de partager ce moment mystérieux où l’émotion l’emporte sur les convenances. J’ai eu deux belles dédicaces qui parlent de voyages et d’amitié.

J’ai lu d’un trait J’ai déserté le pays de l’enfance  c’est Sigolène, une jeune femme, avocate qui croit, en la Justice mais le monde, la nécessité de gagner sa vie, la connerie des hommes, la folie douce (ou pas) n’en font qu’à leur tête. Peut-on admettre de «défendre» ceux qui spolient le travailleur? C’est pourtant, malgré tout, son métier. Défendre les intérêts d’un client qui n’est pas forcément celui qu’elle voudrait défendre. Mais pourquoi ce con d’andouille d’adversaire n’utilise pas les éléments de défense qu’elle lui file en douce pour l’aider et qui pourraient faire pencher la balance à son avantage ? Elle perdrait ce procès qu’elle en serait bien contente, mais non ! Monsieur Machin est trop con pour se servir des clés qu’elle lui donne. L’angoisse de voir tomber le verdict à son avantage produit des ravages dans un esprit sensible… Quelle est la distance entre la folie et la sagesse ? Le retour au Paradis de l’enfance aura, peut-être des effets bénéfiques.

Là-bas, au loin, Djibouti, la Corne de l’Afrique l’attend pour apporter, peut-être, quelques réponses. Renouer avec l’enfance peut-il soigner les maladies de l’âme ? Fragile, toujours en équilibre sur un fil, la quête d’identité… prête à tomber… L’enfant devenue femme retrouvera à Djibouti ce qu’elle croit avoir perdu ? C’est une quête. Sera-t-elle acceptée dans son Paradis perdu ? Retrouvera-t-elle la trace de ses pas d’enfant? Écrit à la première personne, entre roman et auto biograhie elle fait ressentir la chaleur et la sécheresse du climat, l’odeur du sable et de la mer,  les voix des personnages, amis retrouvés… Le regard, comme l’écriture révèlent une personnalité de poétesse, un sensibilité à fleur de peau aux prises avec un monde cruel où dominent les intérêts du plus fort.

J’ai terminé de lire Courir après les ombres dans l’avion qui me ramenait vers mon enfance. La dédicace à Bernard Maris, Oncle Bernard, est significative.

On se retrouve avec Paul Deville, dans cette même Corne de l’Afrique qui est si chère à l’écrivaine. Paul est économiste, comme son père François qui, un jour, a finit par renoncer. C’est encore cette Corne de l’Afrique, le Golfe d’Aden, Djibouti… l’espace où le pillage des ressources par les grandes puissances s’organise. Paul croit qu’il faut créer un nouvel ordre mondial en travaillant pour la Chine et négocie de nouveaux marchés sur les ressources au profit des chinois tout en recherchant les poèmes jamais écrits d’Arthur Rimbaud.  Son travail est motivé par la chute du système capitaliste occidental mais le pillage des ressources des pays pauvres et de ses gens est de plus en plus flagrant. Paul Deville, finit, lui aussi, par renoncer comme son père. Où était la folie ? Avant, lorsqu’il présentait comme un professionnel compétent ? Maintenant, dans son renoncement ? De beaux personnages entourent Paul : la petite fille, qui va chercher le poisson sur sa barque venue d’un autre malheur ; le berger qui participe aux recherches des poèmes jamais écrits du Rimbaud trafiquant d’armes et qui semble être le même berger-fonctionnaire de J’ai déserté le pays de l’enfance ; le chamelier nomade qui choisit d’émigrer abandonnant son troupeau à son cousin berger… C’est encore le voyage et le pays de l’enfance le thème central.

Deux beaux romans qui se lisent avec plaisir et qui nous laissent cette saveur amère des idéaux trahis ou perdus, des questions sur la réalité et le rêve, sur la sagesse et la folie. A lire.

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